Aujourd’hui je troque les aiguilles à épisser pour ma blouse blanche et je vous parle SCIENCE !… mais si c’est cool la science !

Pour commencer il faut que je vous avoue qu’en plus de Horse & Ropes, je travaille dans la recherche en infectiologie en tant qu’ingénieur. Lire des publis sur les propriétés inhibitrices du polyphénol du thé vert dans la survie de Mycobacterium tuberculosis au sein des macrophages humains (Int J Bioch Cell biol, 2006), c’est passionnnnaaaant, mais lire des publications sur l’éthologie équine c’est encore mieux !! (là je réalise que je me suis gourée de spécialité !) En ce moment je me plonge dans les publi de Léa Lansade et ses collègues de l’INRA de Tours. L’idée est de vous proposer de temps en temps des résumés de mes lectures scientifiques.

!! Attention !! mon Master en infectio + la lecture de publi scientifique sur l’éthologie, ne font pas de moi une éthologiste !!

Au menu du jour :

Characterization of long-term memory, resistance to extinction, and influence of temperament during two instrumental tasks in horses (M. Valenchon et al., Anim Cogn 2013)

Le tempérament du cheval peut être défini par un ensemble de critères tels que : la peur grégarité, la sensibilité tactile etc… L’étude de Mathilde Valenchon a pour but de caractériser l’influence du tempérament sur la mémoire à long terme. Pour cela, l’équipe de chercheur a évalué le caractère de 26 juments welsh à l’aide des tests suivants :

La peur (3 tests) :

1/ 1 objet inconnu est placé pendant 180 secondes dans le box du cheval. Le nombre de reniflement, de coup d’œil vers l’objet, et de mordillement est alors enregistré.

2/ 1 nouvelle zone délimitée par un tapis coloré est placé entre le cheval et un seau de granulé. Dès que le cheval pose son pied sur le tapis, le nombre de coup d’œil est noté.

3/ 1 parapluie est ouvert devant le cheval 3 secondes après qu’il ait commencé à manger sa ration, la distance parcourue pour éviter l’objet est mesurée. Les reniflements, coup d’œil et mordillements étant tous des signes d’inquiétude/peur.

La grégarité :

Des chevaux “audience” visibles par les juments pendant les tests, sont enlevés pour réaliser une épreuve d’isolation social. Le nombre d’hennissement est mesuré pendant 190 secondes.

La réactivité à l’homme :

Le nombre de contact et reniflement est mesuré en présence d’une personne passive dans le box La sensibilité tactile : La sensibilité tactile est mesurée au niveau du garrot grâce à des filaments von Frey.

Jument welsh du club Pony-Gônes,Orliénas (69)

Afin d’évaluer la mémoire à long terme, l’équipe de chercheurs a appris 2 tâches aux juments : le reculer (le cheval recul pour obtenir une récompense), et l’évitement actif (le cheval franchit un obstacle pour éviter une émission d’air). L’acquisition de ces tâches est réalisée en suivant plusieurs phases.

  • tâche 1 : test du reculer

phase 1 : l’éthologiste donne une commande orale au cheval “back” (ou “recule”)

phase 2 : la personne pose sa main sur le poitrail du cheval

phase 3 : une pression est exercée avec la main posée sur le poitrail

Lors des séances d’acquisition la réalisation du reculer est récompensée par quelques granulés

  • tâche 2 : l’échappement actif

Le cheval est équipé d’une sangle qui permet au chercheur de déclencher à distance une émission d’air comprimé derrière l’épaule du cheval  (=source de “stress”).

La première phase est le déclenchement d’une cloche, le cheval doit alors franchir une barre d’obstacle haut de 30cm pour éviter l’émission d’air comprimé.

100% des chevaux ont acquis ces 2 tâches. Pour évaluer la mémoire à long terme ces 2 tests n’ont plus été demandés aux juments pendant 22 mois.

22 mois après l’acquisition, l’équipe d’éthologiste a retesté la mémoire des juments pour la réalisation de ces 2 tâches, c’est la phase de “rappel“. Ils ont pu montrer que 100% des juments se souvenaient du reculer et que 85% des juments se rappelaient du test d’évitement actif. Ils ont également montré qu’il n’y avait pas de corrélation entre le tempérament de la jument et la capacité à se rappeler des 2 tâches.

Pour poursuivre leur recherche, les chercheurs ont alors procédé à des tests “d’extinction“. L’extinction est défini par une répétition des tâches sans résultante positive (récompense) ou négative (stress/émission d’air) pour le cheval. Dans les tests d’extinction la tâche du reculer a été ralisé en suivant les 3 phases mais aucune récompense n’a été donnée. Pour le test d’échappement actif, les chercheurs ont actionné la cloche mais n’ont pas déclenché l’émission d’air comprimé. Ces tests ont été répété plusieurs fois afin d’éteindre les réponses apprises lors de la phase d’acquisition. Effectivement, l’article montre que plus les tests d’extinction sont réalisés, moins les juments répondent. Ils ont également noté que les juments craintives présentées une faible résistance à l’extinction dans la tâche du reculer. Aussi ils ont montré que les juments les moins sensibles (sensibilité tactile) étaient les plus résistantes à l’extinction lors des tests d’évitement actif.

 

En conclusion, Mathilde Valenchon a démontré la mémoire à long terme chez les chevaux par le rappel des 2 tâches apprises 22 mois auparavant. L’équipe de chercheurs souligne également qu’il n’y a pas de corrélation entre les traits de caractère d’un cheval et sa capacité à apprendre. En revanche ils montrent que les tempéraments craintifs sont moins résistants à l’extinction dans la tâche du reculer. Et que les juments insensibles sont plus résistantes à la répétition de demande tactile… Un sujet très intéressant qui mériterait des recherches plus approfondies et sur un nombre de chevaux plus importants pour montrer l’impact des autres traits de caractère dans l’acquisition/extinction d’autres tâches que nous cavaliers d’éthologie non scientifiques nous utilisons dans l’apprentissage de nos chevaux…

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